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Droit, technologies & prospectives

interview / Christophe DUGUÉ

RÉSOUDRE LES LITIGES DE CRYPTOMONNAIES

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EXPERTISES N°509 - février 2025 - RÉSOUDRE LES LITIGES DE CRYPTOMONNAIES / Christophe DUGUÉ
N°509 – février 2025
EXPERTISES N°508 - janvier 2025 - L’IAG pour les juristes, Oui mais avec précautions / Yannick Meneceur
N°508 – janvier 2025
EXPERTISES N°507 - décembre 2024 - LE RGPD, UNE AVENTURE LÉGISLATIVE / Jérôme DEROULEZ
N°507 – décembre 2024
EXPERTISES N°506 - novembre 2024 - L’IA POUR LA PRÉVENTION DES RISQUES IT / David FELDMAN
N°506 – novembre 2024
EXPERTISES N°505 - octobre 2024 - UNE IA DE CONFIANCE EST-ELLE POSSIBLE ? / Murielle POPA-FABRE
N°505 – octobre 2024
EXPERTISES N°504 - septembre 2024 - ACCULTURATION DES PME AU RGPD : VERS UNE CONFORMITÉ FACILITÉE / Sophie NERBONNE
N°504 – septembre 2024
EXPERTISES N°503 - juillet 2024 - RELATION CLIENT/FOURNISSEUR, UN DÉSÉQUILIBRE EN ÉVOLUTION / Stéphane LEMARCHAND
N°503 – juillet 2024
EXPERTISES N°502 - juin 2024 - Société à mission, un statut prisé par la Tech / Garance Mathias et François Gorriez
N°502 – juin 2024
EXPERTISES N°501 - mai 2024 - SAINT-GOBAIN : UNE GESTION AGILE DES FLUX TRANSFRONTIERES ET DES DONNEES / Charlène GABILLAT et Emma GOLDITÉ
N°501 – mai 2024
EXPERTISES N°500 - avril 2024 - DROIT DU NUMÉRIQUE : RÉTROSPECTIVE ET PERSPECTIVES / Alain BENSOUSSAN
N°500 – avril 2024
EXPERTISES N°499 - mars 2024 - Extra -                                                                                                                                                                                                                                         Territorialité: menaces et solution / Pierre DESMARAIS
N°499 – mars 2024
EXPERTISES N°498 - février 2024 - Rassurer les assureurs sur la Blockchain / Nicolas Hélénon, Delphine Mercelat, Emmanuel du Ranquet
N°498 – février 2024
EXPERTISES N°497 - janvier 2024 - FiDA, l’open finance qui fait peur à l’assurance / Anne-Sophie Morvan
N°497 – janvier 2024
EXPERTISES N°496 - décembre 2023 - Le droit, créateur d’un marché de la donnée / Marie-Hélène Tonnellier
N°496 – décembre 2023
EXPERTISES N°495 - novembre 2023 - L’Europe de la donnée, malgré les différences / Simon Chignard
N°495 – novembre 2023
EXPERTISES N°494 - octobre 2023 - Se défendre dans la jungle des noms de domaine wEB3 / Matthieu Quiniou
N°494 – octobre 2023
EXPERTISES N°493 - septembre 2023 - RGPD & Droit de la concurrence « Entente » mode d’emploi / Richard Milchior
N°493 – septembre 2023
EXPERTISES N°492 - juillet 2023 - DPO : un métier en souffrance / Bruno RASLE
N°492 – juillet 2023
EXPERTISES N°491 - juin 2023 - L’UE s’investit dans les crypto-actifs / Arnaud Touati
N°491 – juin 2023
EXPERTISES N°490 - mai 2023 - Transhumanisme : un changement de civilisation / Amandine Cayol, Emilie Gaillard et Coline Vuillermet
N°490 – mai 2023
EXPERTISES N°489 - avril 2023 - Anonymiser : une question de gestions de risques / Maryline Laurent
N°489 – avril 2023
EXPERTISES N°488 - mars 2023 - Actifs immatériels : Une valeur encore trop sous-estimée / Sylvie Gamet
N°488 – mars 2023
EXPERTISES N°487 - février 2023 - Flux transatlantique de données : Des progrès mais… / Bradley Joslove
N°487 – février 2023
EXPERTISES N°486 - janvier 2023 - L’intelligence juridique : pour un juriste stratège / Véronique Chapuis-Thuault
N°486 – janvier 2023
EXPERTISES N°485 - décembre 2022 - Les problématiques virtuelles des métavers / Caroline Laverdet
N°485 – décembre 2022
EXPERTISES N°484 - novembre 2022 - BIG DATA DEMATERIALISATION DU REEL / Antoinette Rouvroy
N°484 – novembre 2022
EXPERTISES N°483 - octobre 2022 - Intelligence artificielle : Vers une justice plus sécurisée / Thomas Cassuto
N°483 – octobre 2022
EXPERTISES N°482 - septembre 2022 - MiCA, un règlement qui manque de hauteur / Pierre Storrer
N°482 – septembre 2022
EXPERTISES N°481 - juillet 2022 - Néobanques, le far west bancaire / Aude Poulain de Saint Père
N°481 – juillet 2022
EXPERTISES N°480 - juin 2022 - Géopolitique du numérique et risque de fragmentation / HENRI VERDIDER
N°480 – juin 2022
EXPERTISES N°479 - mai 2022 - Ransomware : payez la rançon l'assurance rembourse / Valéria FAURE-MUNTIAN
N°479 – mai 2022
EXPERTISES N°478 - avril 2022 - RÉDUIRE LA POLLUTION DU NUMÉRIQUE : UNE LOI PIONNIÈRE / Patrick CHAIZE et Frédéric BORDAGE
N°478 – avril 2022
EXPERTISES N°477 - mars 2022 - LE CASSE-TETE DE LA FISCALITE DES CRYPTO-MONNAIES / Frédéric poilpré
N°477 – mars 2022
EXPERTISES N°476 - février 2022 - Véhicule connecté : l'enjeu des données / Romain Perray
N°476 – février 2022
EXPERTISES N°475 - janvier 2022 - DROIT DU LOGICIEL : ETAT DES LIEUX / Bernard LAMON
N°475 – janvier 2022
EXPERTISES N°474 - décembre 2021 - Open data judiciaire : Un lancement prudent / Estelle Jond-Necand
N°474 – décembre 2021
EXPERTISES N°473 - novembre 2021 - La data au cœur des investigations internes / Jean-Julien Lemonnier
N°473 – novembre 2021
EXPERTISES N°472 - octobre 2021 - ROMAIN DARRIERE / INFLUENCEURS VERS LA MATURITÉ
N°472 – octobre 2021
EXPERTISES N°471 - septembre 2021 - ENTENTES ALGORITHMIQUES / NATASHA TARDIF
N°471 – septembre 2021
EXPERTISES N°470 - juillet 2021 - Brevets IA : les écueils à éviter / Mathias Robert
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EXPERTISES N°469 - juin 2021 - IA : POUR UN DROIT DE RUPTURE / ALAIN BENSOUSSAN
N°469 – juin 2021
EXPERTISES N°468 - mai 2021 - Néoassurance, un modèle qui émerge / Christophe Dandois
N°468 – mai 2021
EXPERTISES N°467 - mars 2021 - Humain / machine : la nouvelle division du travail juridique / Olivier CHADUTEAU
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EXPERTISES N°466 - mars 2021 - DSA/DMA : CHANGEMENT DANS LA CONTINUITÉ / ANNE COUSIN ET JEAN-MATHIEU COT
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EXPERTISES N°465 - février 2021 - CMP : UN PASSEUR DE CONSENTEMENT / Romain BESSUGES-MEUSY
N°465 – février 2021
EXPERTISES N°464 - janvier 2021 - L’expertise-conciliation : pacifier les litiges / Fabien CLEUET et François-Pierre LANI
N°464 – janvier 2021
EXPERTISES N°463 - décembre 2020 - Matching prédictif un recrutement biaisé / Stéphanie Lecerf
N°463 – décembre 2020
EXPERTISES N°462 - novembre 2020 - La révolution open banking / Thibault Verbiest
N°462 – novembre 2020
EXPERTISES N°461 - octobre 2020 - IA en procès / Yannick Meneceur
N°461 – octobre 2020
EXPERTISES N°460 - septembre 2020 - Smart city : intérêt général by design / Jacques Priol
N°460 – septembre 2020
EXPERTISES N°459 - juillet 2020 - Transmettre l'immatériel / David Ayache
N°459 – juillet 2020
EXPERTISES N°458 - juin 2020 - Les racines de notre dépendance technologique / Christian HARBULOT
N°458 – juin 2020
EXPERTISES N°457 - mai 2020 - Covid 19 & données personnelles<br>De la défiance à la confiance / Yann Padova” title=”EXPERTISES N°457 – mai 2020 – Covid 19 & données personnelles<br>De la défiance à la confiance / Yann Padova” description=”EXPERTISES N°457 – mai 2020-  Covid 19 & données personnelles<br>De la défiance à la confiance / Yann Padova”></div>
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EXPERTISES N°456 - avril 2020 - Pour l’ouverture<br>des données privées / Laurent Lafaye” title=”EXPERTISES N°456 – avril 2020 – Pour l’ouverture<br>des données privées / Laurent Lafaye” description=”EXPERTISES N°456 – avril 2020-  Pour l’ouverture<br>des données privées / Laurent Lafaye”></div>
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EXPERTISES N°455 - mars 2020 - Profilage :<br> pratiques & parades / Cédric Lauradoux” title=”EXPERTISES N°455 – mars 2020 – Profilage :<br> pratiques & parades / Cédric Lauradoux” description=”EXPERTISES N°455 – mars 2020-  Profilage :<br> pratiques & parades / Cédric Lauradoux”></div>
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EXPERTISES N°454 - février 2020 - La robustesse de<br>la PI face A l’IA / Franck Macrez” title=”EXPERTISES N°454 – février 2020 – La robustesse de<br>la PI face A l’IA / Franck Macrez” description=”EXPERTISES N°454 – février 2020-  La robustesse de<br>la PI face A l’IA / Franck Macrez”></div>
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EXPERTISES N°453 - janvier 2020 - RGPD : une révolution dans la continuité / Ariane MOLE
N°453 – janvier 2020
EXPERTISES N°452 - décembre 2019 - le droit de<br>la compliance<br>pour réguler l’internet / Marie-Anne Frison-Roche” title=”EXPERTISES N°452 – décembre 2019 – le droit de<br>la compliance<br>pour réguler l’internet / Marie-Anne Frison-Roche” description=”EXPERTISES N°452 – décembre 2019-  le droit de<br>la compliance<br>pour réguler l’internet / Marie-Anne Frison-Roche”></div>
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EXPERTISES N°451 - novembre 2019 - Data brokers :</br>le trou noir</br>des données personnelles / Antoine Dubus” title=”EXPERTISES N°451 – novembre 2019 – Data brokers :</br>le trou noir</br>des données personnelles / Antoine Dubus” description=”EXPERTISES N°451 – novembre 2019-  Data brokers :</br>le trou noir</br>des données personnelles / Antoine Dubus”></div>
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EXPERTISES N°450 - octobre 2019 - Numérique :<br>le défi fiscal / Frédéric Douet” title=”EXPERTISES N°450 – octobre 2019 – Numérique :<br>le défi fiscal / Frédéric Douet” description=”EXPERTISES N°450 – octobre 2019-  Numérique :<br>le défi fiscal / Frédéric Douet”></div>
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EXPERTISES N°449 - septembre 2019 - L'impérialisme<br>juridique / Olivier de Maison Rouge” title=”EXPERTISES N°449 – septembre 2019 – L’impérialisme<br>juridique / Olivier de Maison Rouge” description=”EXPERTISES N°449 – septembre 2019-  L’impérialisme<br>juridique / Olivier de Maison Rouge”></div>
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EXPERTISES N°448 - juillet 2019 - DPO : un métier<br>qui s’installe / Paul Olivier Gibert” title=”EXPERTISES N°448 – juillet 2019 – DPO : un métier<br>qui s’installe / Paul Olivier Gibert” description=”EXPERTISES N°448 – juillet 2019-  DPO : un métier<br>qui s’installe / Paul Olivier Gibert”></div>
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EXPERTISES N°447 - juin 2019 - Le RGPD : du droit sans vision stratégique / Julien Nocetti
N°447 – juin 2019
EXPERTISES N°446 - mai 2019 - IGN : la gratuitE des données en question / Marie Pisan
N°446 – mai 2019
EXPERTISES N°445 - avril 2019 - Nom de domaine un actif et des risques / Nathalie Dreyfus
N°445 – avril 2019
EXPERTISES N°444 - mars 2019 - Les logiciels libres, un modèle mature / Benjamin Jean
N°444 – mars 2019
EXPERTISES N°443 - février 2019 - Résister à la gouvernance algorithmique / François Pellegrini
N°443 – février 2019
EXPERTISES N°442 - janvier 2019 - Anticiper sa survie numérique au-delà de sa mort / Mathieu Fontaine
N°442 – janvier 2019
EXPERTISES N°441 - décembre 2018 - Intelligence artificielle et médecine quelle éthique pour demain ? / David Gruson
N°441 – décembre 2018
EXPERTISES N°440 - novembre 2018 - Blockchain AS A SERVICE Démocratisation de la blockchain ? / Marc-Antoine Ledieu
N°440 – novembre 2018
EXPERTISES N°439 - octobre 2018 - Nathalie Nevejans / Nathalie Nevejans
N°439 – octobre 2018
EXPERTISES N°438 - septembre 2018 - Pour la médiation judiciaire en  propriété  intellectuelle / Françoise Barutel Naulleau
N°438 – septembre 2018
EXPERTISES N°437 - juillet 2018 - Science-fiction : quand l’imaginaire devient source de droit / Fabrice Defferrard
N°437 – juillet 2018
EXPERTISES N°436 - juin 2018 - CONTRATS, Accès indirects & coûts cachés : SAP BRISE LA GLACE AVEC Ses utilisateurs / Gianmaria Perancin
N°436 – juin 2018
EXPERTISES N°435 - mai 2018 - L’innovation prédatrice Un nouveau défi pour le droit de la concurrence / Thibault Schrepel
N°435 – mai 2018
EXPERTISES N°434 - avril 2018 - LES données LA NOUVELLE INGENIéRIE  DU POUVOIR / Adrien Basdevant
N°434 – avril 2018
EXPERTISES N°433 - mars 2018 - L’open data de la jurisprudence : Le casse-tête de l’anonymisation / Loïc Cadiet
N°433 – mars 2018
EXPERTISES N°432 - février 2018 - RGPD : vers un futur standard global / Max Schrems
N°432 – février 2018
EXPERTISES N°431 - janvier 2018 - L’angoisse du RGPD la Cnil rassure / Jean Lessi
N°431 – janvier 2018
EXPERTISES des systèmes d’informationfévrier 2025 – N°509

L'édito du mois

L’arme de la liberté d’expression

La liberté d’expression est devenue une arme de guerre idéologique, selon Asma Mhalla, chercheuse en sciences politiques et autrice de l’ouvrage «Technopolitique ». Si le 1er amendement de la Constitution américaine a toujours été un instrument politique, il se révèle aujourd’hui comme un outil de domination grâce à une alliance sans précédent d’intérêts bien compris entre le pouvoir politique aux mains des conservateurs et la puissance économique colossale des Big Techs. Cette industrie se sert en effet de la liberté d’expression comme d’un bouclier pour maintenir les conditions économiques et politiques de sa prospérité contre une réglementation qui les empêcherait d’utiliser la libre parole comme source de profit. Cette liberté d’expression constitutive de l’identité américaine est ainsi devenue le terrain d’une lutte où se mêlent idéologie, intérêts économiques, manipulation, information, désinformation et attaque contre les médias traditionnels.
Jusqu’aux années 70, le 1er amendement était surtout invoqué devant les tribunaux par les défenseurs des droits civiques, les syndicats et les minorités. Progressivement, il a été utilisé par les entreprises et les groupes sociaux dominants. Puis à la fin des années 1980, la droite républicaine s’en est emparé pour dénoncer le « politically correct » utilisé par les élites progressistes pour museler la libre parole. Et avec l’émergence de l’internet, les tenants du cyberespace ont cru qu’était advenue l’ère de la démocratisation de la liberté de parole.
La vision de la liberté d’expression aux Etats-Unis est fondée sur le « libre marché des idées » et repose sur l’idée de l’autorégulation des discours par le débat public, plutôt que par des restrictions étatiques. Or, cela suppose que le débat d’idées et d’opinions, la recherche de la vérité repose sur la coexistence de différents courants d’expression et la possibilité pour les personnes de choisir entre divers prestataires qui se différencient par leur politique de modération. Or, aujourd’hui, les utilisateurs s’informent de plus en plus par le canal des réseaux sociaux. Or, ces plateformes concentrent une part importante de l’accès à l’information sans avoir de comptes à rendre, grâce à la section 230 du Communications Decency Act de 1996. Cette situation a été renforcée par l’opinion majoritaire accompagnant un arrêt de la Cour suprême des Etats-Unis du 1er juillet 2024 qui souligne que « lorsque les plateformes utilisent leurs standards et règles d’utilisation pour décider quels contenus de tiers leurs flux afficheront, ou comment l’affichage sera ordonné et organisé, elles font des choix expressifs. Elles bénéficient par conséquent de la protection du Premier amendement ».
Dans le nouveau contexte politique américain, les conditions étaient donc réunies pour que Mark Zuckerberg annonce qu’ « il est temps de revenir à nos racines autour de la liberté d’expression ». Mais quid de la liberté d’expression quand ceux qui contrôlent les algorithmes favorisent les contenus les plus clivants pour leurs profits ? À l’heure des faits alternatifs et de la post vérité, la liberté d’expression sans limite mais non sans influence contribue à la distorsion des concepts et à l’inversion des définitions. C’est ainsi que la modération est assimilée à de la censure. Mais quand Instagram et Facebook floutent, bloquent ou suppriment des publications de fournisseurs de pilules abortives ou retirent les messages des employés de Meta opposés à la nouvelle politique du groupe en matière de liberté d’expression, n’est-ce pas de la censure ?
Tout cela concerne les Etats-Unis, pourrait-on dire. Pas si sûr. L’avenir nous dira si l’Europe se montre capable de défendre sa conception de la liberté d’expression.

Le focus du mois

Intelligence artificielle

Un dialogue social balbutiant

L’IA se répand dans le monde du travail souvent sans cadre défini. Des initiatives émergent pour établir les conditions d’un dialogue social technologique nécessaire aux enjeux de l’IA pour une transformation numérique respectueuse des droits sociaux.

Alors que le déploiement des systèmes d’intelligence artificielle (SIA) dans les entreprises et les administrations est désormais engagé, générant des mutations profondes en matière de travail, de métiers et d’emplois, la question sociale a été peu présente dans les discussions relative au règlement sur l’intelligence artificielle (RIA). Par ailleurs, ces SIA générative sont très souvent introduits en entreprise sans débat ni dialogue social, et parfois à l’initiative des salariés sans en avertir leur employeur. Une cinquantaine d’intervenants issus du monde syndical (CFE-CGC, CFDT, FO-Cadres, Ugict CGT), patronal, des entreprises, des administrations publiques, des experts et des chercheurs, ont justement initié le projet Dial-IA (Dialoguer sur l’IA), visant à proposer un cadre méthodologique pour un dialogue social technologique et la déclinaison en France de l’accord cadre européen de 2020 sur la numérisation du travail. Profitant de la mise en place du RIA et du sommet sur l’IA de Paris, les contributeurs du projet ont rendu publics, le 7 janvier dernier, une méthode de négociation sur l’IA, qui se traduit par un manifeste et une boîte à outils.
L’IA suscite en effet très peu de dialogue social dans le travail alors cette technologie, qui inquiète autant qu’elle fascine, a un fort impact sur les métiers, les organisations, le marché de l’emploi, le management et les conditions de travail. La négociation collective peut cependant jouer un rôle crucial dans l’établissement de bonnes pratiques et la régulation de l’usage des SIA afin d’assurer leur acceptabilité et d’accompagner au mieux leur arrivée dans les entreprises.
Une analyse du Centre d’études de l’emploi et du travail (CEET) a recensé en France 242 accords qui font référence à l’IA entre 2017 et 2024, ce qui reste très peu comparé aux 285 421 accords collectifs d’entreprise publiés sur Légifrance. Ces accords abordent généralement l’impact de la technologie sur l’emploi, les risques de discrimination, et les conditions de travail, et constituent une amorce de dialogue social autour de l’IA. Sans surprise, le secteur qui a le plus signé d’accord faisant référence à l’IA est celui de l’information et de la communication (édition, presse, informatique, etc.) suivi par le secteur de la finance et des assurances.
Au niveau européen, les partenaires sociaux ont adopté, le 22 juin 2020, un accord-cadre sur la transformation numérique des entreprises issu du processus autonome de dialogue social européen. Le texte vise à stimuler un dialogue social effectif autour de la transformation numérique des organisations, avec un chapitre spécifique dédié à l’IA. Il affirme que la transformation numérique n’est pas seulement une affaire de technologies mais aussi et surtout une transformation organisationnelle, ce qui légitime le rôle du dialogue social pour la réguler. Mais l’accord européen de 2020 a été très peu relayé au niveau national, notamment en France où il n’a pas été mis en œuvre. Il a toutefois été suivi d’un second accord européen, conclu en octobre 2022 dans le cadre des administrations publiques, qui contient des dispositions beaucoup plus précises sur l’IA : droit des représentants des salariés à être impliqués précocement en cas d’introduction ou de « renforcement » des SIA ; mise en œuvre concrète du principe de « l’humain aux commandes », prescription d’évaluations d’impact sur les emplois en concertation avec les organisations syndicales au moment de la conception de systèmes d’IA.
De façon générale, les partenaires sociaux sont peu acculturés à cette technologie alors qu’ils doivent établir le dialogue, négocier et mettre en œuvre les modalités de cette transformation numérique. Pourtant, l’IA pénètre le monde du travail sans cadre juridique bien défini. Au niveau européen, ni le RGPD ni le règlement sur l’IA n’ont été conçus pour traiter spécifiquement des questions liées au travail. Le RIA permet aux États membres d’adopter des mesures législatives ou réglementaires supplémentaires au niveau national pour renforcer la protection des travailleurs face à l’utilisation des systèmes d’IA. Quant au RGPD, il comporte un article 88 « Traitement de données dans le cadre des relations de travail » qui énonce que « les États membres peuvent prévoir, par la loi ou au moyen de conventions collectives, des règles plus spécifiques pour assurer la protection des droits et libertés en ce qui concerne le traitement des données à caractère personnel des employés dans le cadre des relations de travail ».
L’introduction de l’IA intervient aussi à l’initiative des salariés. On parle alors de « Shadow AI » (IA clandestine) qui désigne l’utilisation de solutions d’IA générative pour corriger du texte, résumer un document, générer du contenu ou rédiger un e-mail à un client sans l’approbation de l’entreprise ou en dehors des politiques mises en place par les organisations. Malgré des avantages indéniables, cette utilisation « clandestine » soulève de sérieuses préoccupations concernant la sécurité et la confidentialité des données, d’autant que les solutions utilisées ne sont pas soumises aux mêmes contrôles de sécurité que celles approuvées par le service IT. D’ailleurs, certaines entreprises n’hésitent pas à interdire l’utilisation de ChatGPT ou GitHub CoPilot ou autres, principalement pour des raisons de sécurité comme Apple. Plutôt qu’interdire un outil qui peut être fort utile, il serait souhaitable de l’accompagner par un dialogue entre l’employeur et les représentants du personnel afin d’en définir des modalités de l’utilisation. Cela peut passer par la négociation d’une charte dans laquelle les salariés s’engagent à respecter les règles négociées par accord. Il faut bien sûr y associer une politique de sensibilisation et de formation des salariés pour rendre la démarche cohérente.
Enfin il existe une autre voie de dialogue au travers des comités sociaux et économiques (CSE) lors de l’introduction d’une nouvelle technologie. Mais ils ne sont pas souvent consultés. Le code du travail prévoit en effet (art. L. 2312-8) que le CSE est consulté sur l’introduction de nouvelles technologies et peut recourir à un expert. En plus, un jugement du tribunal judiciaire de Pontoise du 15 avril 2022 a estimé que le CSE n’avait pas besoin de démontrer l’impact de la nouvelle technologie sur les conditions de travail pour demander une expertise, son introduction justifiant à elle seule une expertise.

par Sylvie Rozenfeld

L'invité du mois

Interview / Christophe Dugué

par Sylvie Rozenfeld

Résoudre les litiges de cryptomonnaies

Comme toute activité humaine, la blockchain au travers de ses applications comme les cryptomonnaies, génère des litiges. Plus de la moitié des plateformes d’échange optent dans leurs conditions générales pour les tribunaux afin de résoudre ces affaires mais les plus importantes comme Binance choisissent l’arbitrage international. Selon Christophe Dugué, avocat et arbitre indépendant, l’arbitrage est particulièrement adapté à la blockchain, technologie décentralisée et internationale. Selon lui, les problématiques ne sont cependant guère différentes de celles des investissements classiques mais tout y est exacerbé. À partir de son expérience et de l’analyse des conditions générales d’une cinquantaine de plateformes (« exchange »), il dresse un état des lieux de la résolution des litiges dans lesquelles intervient la blockchain et principalement les cryptomonnaies.

Sylvie Rozenfeld : La technologie de la blockchain, au travers de ses applications que ce soit les cryptomonnaies, la finance décentralisée, les smart contrats, les NFT, et comme toute activité humaine, génère des litiges.

En dehors des affaires pénales, quels sont les modes de résolutions des litiges adaptés à cette technologie internationale et décentralisée ? Christophe Dugué, avocat et arbitre indépendant, notamment auprès de la Chambre de commerce internationale (CCI), vous avez été arbitre unique dans un litige lié aux cryptomonnaies et vous intervenez dans ce domaine en tant que conseil. Quels types de litiges peut-on observer ?

Christophe Dugué : Il s’agit de litiges commerciaux entre un utilisateur, un client et le fournisseur de services. En la matière, les gros intervenants sont des « exchanges », tel que le leader sur le secteur Binance, qui fournissent des prestations permettant d’acheter, de vendre et de détenir des cryptomonnaies ou des tokens. L’origine d’un litige peut consister en la disparition d’un portefeuille confié à un intermédiaire qui a été victime d’un piratage. Cela peut également provenir d’un problème technique. Il y a aussi tous les litiges qui participent de la mauvaise exécution du contrat ou du non-respect des obligations contractuelles de l’une des parties ; ce qui représente la majorité des cas de résolution des litiges devant les tribunaux judiciaires ou devant des tribunaux arbitraux pour ceux qui en font le choix. Pour ce que j’ai pu observer et pour en avoir discuté avec des confrères de Hong Kong qui eux aussi ont été impliqués dans ce type d’affaires, les litiges relatifs aux cryptomonnaies sont les plus fréquents car il y a de l’argent en jeu. Ce sont en fait des affaires très classiques d’investissement. Dans celle que j’ai traitée, les aspects techniques ont été abordés mais de manière très générale, en évoquant la possibilité d’une fraude. Mais il s’agissait en fait d’un problème d’exécution du contrat.

Comme mes confrères, je m’attendais à rentrer dans la dimension technique d’une technologie mystérieuse. C’était très intéressant mais en réalité, ce sont les mêmes problématiques que pour des investissements classiques. En matière de cryptomonnaie, les questions procédurales aussi sont les mêmes que dans d’autres domaines mais tout est exacerbé. Je ne m’y attendais pas.

Quelles difficultés rencontrent les parties ?
La difficulté pour les parties est surtout de déterminer la partie responsable, celle qui a commis une faute et à qui on peut réclamer l’indemnisation d’un dommage, puis déterminer les règles contractuelles applicables et enfin fournir les preuves de l’investissement et du déroulement des opérations qui ont conduit à une perte. Tout ceci suppose de se préparer au litige ce que peu de parties font.
Les personnes en litiges se tournent-elles vers les tribunaux pour obtenir gain de cause ?
Oui quand l’affaire porte sur des fraudes, comme dans l’affaire FTX, car c’est du domaine pénal, cela touche aussi au non-respect de la réglementation pour le peu qui en existe mais aussi civil pour le préjudice causé. Le contentieux judiciaire existe aussi lorsque les plateformes optent pour les tribunaux dans leurs conditions générales. Les personnes qui veulent investir dans les cryptomonnaies doivent, avant toute chose, lire les conditions générales de l’entité avec laquelle elles vont contracter, et particulièrement la clause de règlements des litiges.

Il faut vérifier à quoi on s’engage en matière de résolution des litiges, quel est le droit applicable, et à quelle partie on a affaire. La personne contracte avec une plateforme qu’on va appeler « Plateform » qui désigne la société qui intervient pour la fourniture des services. En fait, on ne sait pas toujours à qui on a affaire car on se retrouve face à un certain nombre de sociétés : Plateform Inc, Plateform SA, AG, etc. Ce ne sont pas des filiales mais une nébuleuse de sociétés. Prenons l’exemple de Binance : beaucoup de sociétés portent ce nom mais elles n’ont pas de lien capitalistique entre elles mais seulement un lien avec un actionnaire. Si on a un litige avec Plateform, il faut identifier le responsable du dommage, même si les conditions générales visent toutes ces sociétés qui sont liées par la clause d’arbitrage. Certaines plateformes sérieuses indiquent la société concernée, d’autres non. Ensuite, il faut regarder les clauses limitatives de responsabilité, les clauses de répartition des risques, etc. et se ménager la preuve des opérations. Les données sont certes sur l’espace personnel de l’utilisateur, mais encore faut-il en garder la trace. Enfin, il convient de prendre garde au fait que les conditions générales sont évolutives et s 

Les doctrines du mois

Signature électronique

Panorama de la jurisprudence 2024

Par Isabelle Renard

Le contentieux signature électronique en 2024 suit sans surprise la courbe ascendante amorcée en 2020. Il ne nous offre pas de modification radicale par rapport à la jurisprudence antérieure mais il dessine un paysage en demi-teintes, marqué par la difficulté de ce domaine technique pour les professionnels du droit, faute de passerelles claires entre les textes juridiques et la pratique.

Intelligence artificielle

Renforcer la cybersécurité des entreprises grâce à l’IA : défis et opportunités

Par Xavier Pican et Laurène Zaggia

Face aux perfectionnements des cyber attaques se servant désormais de l’IA, les entreprises doivent moderniser leurs systèmes de détection et de réponse aux incidents cyber. L’IA se révèle alors être un outil indispensable dans la lutte contre ces menaces.

IA et droit d’auteur

Point d’étape sur le futur code de bonnes pratiques

Par Karine DISDIER-MIKUS et Pierre NIEUWYAER

L’élaboration d’un code de bonnes pratiques destiné aux fournisseurs de modèles d’intelligence artificielle (IA) à usage général est en cours d’élaboration par le Bureau de l’IA auprès de la Commission Européenne1. Examen des mesures intéressant plus particulièrement le droit d’auteur au travers de la question fondamentale de la transparence.

Données personnelles

Cloud non-souverain et données de santé : le Conseil d’Etat au secours de la Cnil

Par Alexandre FIEVEE et Alice ROBERT

Le Conseil d’Etat a récemment rendu plusieurs décisions1, par lesquelles il confirme la possibilité pour le Groupement d’intérêt public Plateforme des données de santé (le « Health Data Hub ») de recourir à Microsoft pour l’hébergement d’un entrepôt de données de santé. Est-ce que cela signifie qu’il est donc possible d’héberger des données de santé sur des cloudnon-souverains ?

Intelligence artificielle

La Californie se dote d’une règlementation a minima

Par Sylvain Joyeux et Daniel Korabelnikov

Si le gouverneur de Californie a rejeté le projet de loi réglementant les IA fortes, il a signé la législation qui impose aux développeurs de systèmes d'IA générative de publier, sur leur site internet, des informations détaillées concernant les données utilisées pour entraîner leurs modèles. Quels enseignements en tirer ?

Technologies

Les réseaux neuronaux KAN : Une révolution dans l’intelligence artificielle ?

Par Daniel GUINIER

Dans son odyssée1, l'intelligence artificielle a vécu des périodes notables. Depuis plus d'une décennie, c'est parfois par tâtonnement que les ingénieurs en IA ont pu faire évoluer les réseaux de neurones artificiels en bénéficiant d'une convergence technologique favorable. Un changement de paradigme survient en 2024, après qu'une nouvelle architecture pouvant être qualifiée de révolutionnaire ait été proposée. L'intention de l'auteur est de présenter cette innovation majeure en s'efforçant de la rendre aussi compréhensible que possible pour un large public, en exposant ses fondements et ses performances comparées aux architectures traditionnelles, ainsi que ses premières applications pratiques.

Données personnelles

La liberté d’expression doit s’exprimer dans le respect du RGPD

Par Alexandre FIEVEE

Comme chaque mois, Alexandre Fievée tente d’apporter des réponses aux questions que tout le monde se pose en matière de protection des données personnelles, en s’appuyant sur les décisions rendues par les différentes autorités de contrôle nationales au niveau européen et les juridictions européennes. Ce mois-ci, il se penche sur la question de savoir si un média en ligne peut relayer dans un article une vidéo initialement publiée sur un réseau social.

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