Le 16 février dernier, le Parlement européen a approuvé en séance plénière le rapport de la commission juridique relatif aux règles de droit civil sur la robotique et notamment les questions liées à la responsabilité. Les robots autonomes (voitures sans chauffeur, drones, assistants de vie pour personnes âgées, etc.) ne font pas encore partie de notre quotidien mais ils pourraient le devenir plus rapidement qu’on le pense. Mady Delvaux, députée européenne et rapporteure du texte, nous explique qu’elle a souhaité provoquer un débat rationnel sur ce sujet d’avenir qui suscite peur et fascination mais aussi apporter des pistes de solutions. Selon elle, il faut mettre en place des règles claires de responsabilité afin de donner un cadre de confiance pour les utilisateurs mais aussi les constructeurs.
Sylvie Rozenfeld : Les robots autonomes, certains disent intelligents, commencent à apparaître dans notre quotidien, notamment avec les drones. Ils seront de plus en plus présents dans nos voitures, chez les personnes âgées, en médecine, etc. Mais leur banalisation reste encore à venir. Parallèlement à la Commission européenne, le Parlement européen s’est interrogé sur les règles de droit civil liées à la robotique. En 2015, un groupe de travail a été formé au sein de la commission juridique qui a produit un rapport, dont vous êtes la rapporteure, et qui a été approuvé le 16 février 2017 par les députés européens. Dans ce document, vous demandez à la Commission européenne de proposer une directive sur les questions juridiques liées au développement de la robotique, suivant vos recommandations détaillées. Vous envisagez des pistes très originales, pas toujours consensuelles, sur la personnalité juridique du robot, mais aussi sur les règles de responsabilité.
Avant d’aborder vos propositions, j’aimerais que vous nous disiez pourquoi vous vous êtes emparée du sujet alors qu’il s’agit d’un domaine émergeant, en devenir où beaucoup reste encore à inventer ou à défricher.
Mady Delvaux : En 2014, lors de la nouvelle législature, le secrétariat de la commission des affaires juridiques avait organisé un séminaire au cours duquel il avait présenté les sujets à venir qui semblaient intéressants à approfondir. Parmi eux, on trouvait le droit de la famille, le droit des sociétés mais aussi les règles juridiques en matière de robotique. Des experts italiens de l’université de Pise avaient présenté un rapport qu’ils avaient établi à la demande de la Commission européenne dans le cadre du projet Robolaw. Je l’ai trouvé très intéressant et j’ai pensé qu’il s’agissait d’un sujet d’avenir dont on devait s’emparer. Pour constituer un groupe de travail, il faut obtenir l’accord de tous les groupes politiques. En janvier 2015, il a été formé avec les membres de la commission juridique mais très vite ont été associées d’autres commissions comme Libe (des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures). Nous nous sommes très vite rendu compte que des questions juridiques importantes mais aussi industrielles, sociales, de transport, etc. se posaient. Celle des robots autonomes concerne en fait tous les aspects de la vie. Aucun des députés participant à ce groupe de travail n’avait de connaissances approfondies sur le sujet. Nous avons donc organisé des auditions d’experts, d’industriels, de professeurs d’université. Nous avons essayé de cerner les différents aspects : transports, voitures sans chauffeur, drones, santé, personnes avec handicap, etc. Nous avons aussi organisé des séminaires sur le droit des contrats, les questions de responsabilité, par exemple. Dans notre rapport, nous avons essayé de refléter la diversité des opinions que nous avons collectées.
S. R. : Avez-vous examiné les législations sur les robots, car il en existe ?
M. D. : Oui. Nous avons également organisé un séminaire avec les parlements nationaux pour connaître les essais législatifs des Etats membres. Nous avons constaté qu’en matière de robotique, tout le monde tâtonne. Nous en avons conclu que c’est le bon moment pour proposer des principes qui pourraient être implantés de manière harmonieuse dans les Etats membres.