Avec le RGPD, on pensait avoir tout vu, tout éprouvé en termes de lobbying. On se trompait. Les affrontements pour l’adoption de la proposition de directive sur le droit d’auteur dans l’ère numérique entre les Gafa et les défenseurs de la liberté du web d’un côté et la presse et les représentants des auteurs de l’autre, sont tout aussi agressifs, voire féroces. A tel point que son adoption reste encore incertaine.

Comme pour le RGPD, les Gafa mobilisent l’attention. Le lobbying porte essentiellement sur deux articles : l’article 11 qui instaure un droit voisin pour les publications de presse et l’article 13 qui contraint les géants de l’internet à mettre en place un contrôle des œuvres sur leur plateforme. Le premier oblige à une rétribution de la presse et le second remet en cause le régime de responsabilité des intermédiaires techniques. Si on ne touche pas formellement à la directive de 2000 sur l’e-commerce, on rend néanmoins ces acteurs directement responsables des œuvres mises en ligne et accessibles par les internautes sur leurs plateformes. Chacun des deux camps revendiquent la défense de la création et brandit la menace de la fin de l’internet ou la mort de la création. Les Gafa mettent d’énormes moyens dans la bataille, et le camp adverse n’est pas en reste.

Pas facile pour les 750 parlementaires de rester sereins, dans un tel contexte. Tout le monde n’est pas forcément armé pour résister à de telles pressions. Jean-Marie Cavada, shadow rapporteur du texte pour le Parti de l’Alliance des Libéraux et des Démocrates pour l’Europe, qui soutient le texte voté, reproche au rapporteur du texte Axel Voss (Parti populaire européen) de se montrer « faible » face au lobbying des Gafa. Il a annoncé qu’il allait écrire au président du Parlement et aux présidents des groupes politiques pour demander de prendre une disposition visant à interdire « de près ou de loin les contacts avec les lobbies afin que la sérénité des délibérations entre les trois institutions soient respectée », selon les propos rapportés par le site Contexte.com.

En juillet dernier, l’industrie du numérique avait remporté une première manche quand le Parlement européen avait rejeté la proposition de directive. Mais le 12 septembre le vent a tourné et une massive majorité de parlementaires l’a adoptée. Reste désormais à trouver un consensus au sein du trilogue (dialogue entre le Parlement, la Commission et le Conseil). La bataille n’est donc pas finie et les campagnes d’influence se sont intensifiées. Richard Gingras, vice-président de Google, déclarait dans Le Monde qu’ « il y a des variations de formulation entre les trois. Nous voyons de la résistance sur certains points. Il y a de l’espace pour améliorer le texte ». Encore faut-il trouver un compromis. Le 5ème trilogue qui a eu lieu le 13 décembre dernier s’est également conclu par un échec. Une dernière tentative d’accord doit intervenir d’ici janvier pour que la directive puisse être adoptée par la présente législature. La dernière session avant les élections européennes se tiendra le 18 avril.