Faut-il inclure le numérique dans le projet de réforme constitutionnelle ? Les parlementaires se sont posé la question, à l’occasion du projet de loi constitutionnelle pour une démocratie plus représentative, responsable et efficace, enregistré à l’Assemblée nationale le 9 mai dernier. Le président du Sénat Gérard Larcher et celui de l’Assemblée nationale François de Rugy avaient créé un groupe de travail mixte (Assemblée – Sénat) sur les droits et libertés constitutionnels à l’ère numérique, co-présidé par la députée Paula Forteza et le sénateur Christophe-André Frassa. Le 21 juin dernier, ils ont conclu à l’inclusion du numérique dans la Constitution.

Le numérique doit-il nécessairement figurer dans le bloc constitutionnel ? La réponse n’est pas évidente. Comme le rappelait le conseiller d’Etat Laurent Citermann auditionné par le groupe de travail, le numérique est déjà bien ancré dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Preuve en est son dernier avis rendu sur le projet de loi sur la protection des données personnelles dans lequel les Sages se sont prononcés sur l’intelligence artificielle et le machin learning. Il s’agit néanmoins d’un ancrage indirect dans la Constitution au travers d’autres droits comme les libertés individuelles. Selon lui, une charte permettrait d’inscrire les droits du numérique en tant que tels et de rééquilibrer la pondération des droits.

Les parlementaires n’ont eu que quelques semaines, et cinq réunions de consultations et de réflexions, pour se prononcer. Conscients que le sujet mériterait un traitement approfondi, ils ont néanmoins pensé que leurs travaux pouvaient nourrir la réflexion. Le 21 juin dernier, ils ont adressé à chacun des présidents des deux chambres trois propositions de textes. Ils suggèrent d’intégrer une charte du numérique dans la Constitution, à l’instar de la charte de l’environnement adoptée en 2004. Ils souhaitent par ailleurs que soit reconnu le rôle du numérique dans l’expression démocratique au titre I de la Constitution. Ils préconisent enfin d’élargir expressément le domaine de la loi à certains enjeux liés au numérique en complétant l’article 34 de la Constitution.

En commission des lois, le député Jean-Michel Mis, également membre du groupe de travail, avait interpellé Nicole Belloubet, la ministre de la Justice, sur l’opportunité d’engager une réflexion sur la place du Numérique au sein de l’ordre constitutionnel afin de lui accorder les garanties nécessaires à son expression démocratique. Elle a reconnu que l’enjeu était essentiel. Elle a ajouté que le gouvernement restait très attentif aux travaux du groupe de travail et à l’écoute de ses préconisations. Une manière de botter en touche ou une ouverture du gouvernement sur le sujet ?