« Nous ne voulons pas d’un internet à l’américaine où les entreprises privées ont tous les droits, ni d’un internet à la chinoise dominé par un Etat hégémonique. Il faut donc construire une voie nouvelle avec les acteurs privés et la société civile. Il y aura à l’avenir davantage de régulation, c’est une certitude, il faut donc construire cette régulation d’une manière coopérative qui ne bride pas la liberté d’expression mais qui soit efficace », a déclaré Emmanuel Macron le 12 novembre dernier à l’IGF (Internet Governance Forum). Dans la foulée, il a annoncé une expérimentation d’un nouveau genre avec Facebook, qui, si elle s’avérait concluante, pourrait déboucher sur une co-régulation des contenus haineux.

A compter du 1er janvier 2019, Facebook s’engage à partager, pendant six mois, ses outils et ses méthodes de lutte contre les contenus haineux avec un groupe de travail formé par des salariés de Facebook et des représentants des autorités publiques françaises (Arcep, Cnil, CSA, Dinsic, etc.). L’objectif est d’aboutir à une meilleure efficacité de la chasse aux contenus racistes, antisémites, homophobes ou sexistes. Pour l’instant, on ne connaît guère les contours de cette tentative de collaboration ; tout dépendra de la bonne volonté du réseau social. Va-t-il vraiment dévoiler ses algorithmes ou se retrancher derrière le secret des affaires ?

Chacun des deux camps a besoin de l’autre. Facebook doit donner un minimum de gages à un Etat qui, aujourd’hui ouvert à une solution souple et pro-business, pourrait imposer une législation contraignante à l’allemande. Sans aller jusque-là, le Président de la République s’est cependant montré favorable à l’instauration d’un « tiers statut » baptisé « accélérateur de statut » pour les réseaux sociaux et moteurs de recherche qui seraient soumis à une obligation de transparence dans la lutte contre les contenus illicites et de traitement des alertes. De son côté, l’Etat ne possède pas les moyens techniques ni les compétences des Gafa pour combattre efficacement les messages indésirables et a besoin d’une coopération effective des géants du net.

Constat d’impuissance de l’Etat face à l’inefficacité de la loi ? Abandon de pouvoirs régaliens à quelques acteurs privés étrangers ? Il ne faut peut-être pas exagérer la portée de ce nouveau partenariat, abusivement décrit comme de la co-régulation. La prudence s’impose face aux promesses de ces sociétés high tech. En refusant de se rendre à Londres pour s’expliquer devant une commission parlementaire internationale à l’invitation de dix parlements, Mark Zuckerberg n’a pas envoyé de signe de coopération.