«J’entends beaucoup de voix qui s’élèvent pour expliquer qu’il nous faudrait relever la complexité des problèmes contemporains en revenant à la lampe à huile. Je ne crois pas au modèle amish, et je ne crois pas que le modèle amish permette de régler les défis de l’écologie contemporaine »,
a déclaré le Président de la République le 14 septembre dernier, à des entrepreneurs du numérique réunis à l’Elysée, en réponse aux 70 élus de gauche et écologiques qui demandaient un moratoire sur le déploiement de la 5G.
Convoqués par Emmanuel Macron pour discréditer ses adversaires, les Amishs, méfiants à l’égard des technologies, ont curieusement une leçon à nous donner : celle du débat public. Cette communauté religieuse américaine, fermée sur elle-même, a en effet instauré un dialogue permanent avec ses membres à l’occasion d’éventuelles introductions de nouvelles techniques, dans le but de préserver l’ordre social et les grands principes directeurs. C’est ainsi qu’ils se sont prononcés contre le téléphone personnel, la télévision ou l’internet mais pour les réfrigérateurs ou la vente de leur production en ligne, par le truchement d’intermédiaires.
Les Amishs ont trouvé un moyen de fonctionner avec leurs valeurs, en en débattant publiquement. Ce que nous ne savons pas faire. Les technologies transforment en profondeur les fondements de notre société sans que jamais elles ne soient soumises à une vraie discussion démocratique conduisant à une décision politique. On a essayé avec la 5G, mais ça n’a pas marché. Ce moratoire demandé par les 70 élus figurait pourtant dans la liste des demandes de la Convention citoyenne pour le climat auxquelles le Président de la République avait promis de souscrire.
Bien sûr, la 5G s’annonce comme un levier de croissance dont on a plus que besoin aujourd’hui et elle comporte de nombreuses promesses de progrès. Mais elle va aussi permettre d’édifier une société totalement numérique. Face à la perspective d’une telle évolution, doit-on pour autant faire taire les craintes et les réticences ? Doit-on précipiter sa mise en place ? Dans une période de défiance à l’égard du personnel politique et des experts, la décision unilatérale du Président de la République ne risque-t-elle pas de cristalliser les oppositions, de favoriser une situation de rejet, comme celle à laquelle on assiste pour les vaccins ? La défiance gagne aussi les édiles agacés par les choix imposés d’en haut, de manière verticale, sans réelle concertation avec les élus ni consultation des citoyens. Les maires inquiets face aux incertitudes sanitaires et écologiques pourraient bloquer le déploiement d’antennes dans leurs communes.
Entre les nécessités économiques et notre indépendance géo-politique, avons-nous encore le choix de dire non ? Laissez croire qu’on n’y peut rien pourrait cependant être délétère pour notre société. C’est pourquoi le dialogue et la concertation sont salutaires. Affirmer la nécessité d’un débat démocratique sur une technologie qui impacte la société est une chose, savoir comment l’organiser en est une autre. Surtout dans un pays où le compromis et le dialogue n’est pas inscrit dans sa culture.