L’arrêt UsedSoft de la Cour de justice de l’Union européenne a favorisé le développement d’un marché du logiciel d’occasion. Il rappelle et réaffirme qu’un éditeur ne peut pas interdire la cession d’une licence de logiciel. Si elle est licite, elle nécessite cependant de prendre un certain nombre de précautions. Oswald Seidowsky, conseil en matière de gestion des licences logiciel, explique que la clé de la réussite d’une telle opération réside dans un auto-audit du patrimoine logiciel et des acquis contractuels, de ce qui est requis par l’éditeur et de ce qui est réellement utilisé par le vendeur ou l’acquéreur. Quand on sait que le nombre de licences non utilisées peut atteindre 20 % du parc logiciels d’une organisation, cet exercice de bonne gestion devient un projet de gains ou d’économie. Oswald Seidowsky nous en explique la méthode.
Sylvie Rozenfeld : Docteur en droit privé, vous avez rédigé une thèse sur le fonds de commerce numérique. Vous êtes spécialiste des contrats informatiques et des audits préventifs et éditeurs de conformité logicielle. Vous êtes conseil en matière de gestion des licences logiciel. Vous avez par ailleurs rédigé une étude intitulée « Audit, management et gestion des licences logicielles ». Vous y abordez notamment le cas des logiciels d’occasion et c’est le sujet que j’aimerais évoquer avec vous.
Le coût des logiciels représente 35 % du budget informatique des entreprises, selon une étude réalisée en 2014 par le cabinet Forrester. C’est pourquoi certaines, des PME comme des grands comptes, se tournent vers l’achat d’occasion. Longtemps prohibée par les licences d’utilisation, la licéité de la revente de licences de logiciels d’occasion a été formellement rappelée par l’arrêt UsedSoft / Oracle de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) de juillet 2012. En France, les DSI restent pourtant réticents et le marché n’a pas décollé comme dans certains pays à l‘image de l’Allemagne. Comment expliquez-vous la faiblesse du marché ?
Oswald Seidowsky : La faiblesse du marché s’explique principalement par le nombre de produits, de références, d’éditions, de versions qui existent.
Pourquoi est-ce un problème ?
Une licence est acquise pour un produit, une version, une édition. Et pour remplacer un produit, il faut trouver la licence qui correspond aux besoins. C’est compliqué mais pas ingérable. La deuxième raison provient du fait que les entreprises doivent tenir leur inventaire à jour de leur parc logiciels, qu’elles soient vendeuses ou acquéreuses. Pour les DSI, ce n’est pas évident d’affronter deux réalités à la fois : la réalité opérationnelle au jour le jour et la réalité patrimoniale qui consiste à gérer les logiciels comme un actif. Lorsque ces inventaires sont bien réalisés via un auto-audit, la cession peut être faite à la demande. Le mieux est d’avoir un processus organisé de manière à avoir une vision claire à un instant T.
Ce sont les deux freins principaux de ce marché, pour faire converger des offres. Cela nécessite des investissements, principalement en temps, du côté de l’acquéreur comme de celui du vendeur. Il faut préparer le dossier de mise en vente.
Tous les logiciels sont-ils concernés ?
Certains logiciels se prêtent plus aux ventes d’occasion. Je pense aux logiciels de bureautique, identifiés comme étant à faible risque car en cas d’audit ils sont plus faciles à « décommissionner », à désinstaller, qu’un middleware ou un logiciel d’infrastructure qui a beaucoup plus de dépendances.
Qu’est-ce qui pousse une entreprise à se tourner vers le marché de l’occasion ?
C’est la vétusté du parc. Quand une entreprise ne veut pas faire migrer tout son parc vers de nouvelles versions car cela représente un coût important, elle peut chercher sur le marché de l’occasion des versions qui correspondent à son besoin. Mais elle risque d’être confrontée à l’indisponibilité des produits dont l’utilisateur a besoin. En fait, il existe deux cas de figure : quand les entreprises sont confrontées au refus de faire passer le système d’information à la version supérieure ou quand elles découvrent un écart de conformité qu’il faut compenser assez rapidement sans avoir recours à l’éditeur. Les coûts de mise en conformité ne sont pas les mêmes que ceux d’acquisition. En fonction d’un accord tarifaire avec l’éditeur, des entreprises pourront acheter des logiciels 50 %, 60% ou 70% moins cher par rapport aux prix catalogue. Or, en cas d’audit, c’est le prix catalogue qui est appliqué. Le coût du logiciel d’occasion est, de ce fait, très intéressant.