Monique Linglet : J’aimerais d’abord revenir sur une actualité judiciaire très "tendance" dans laquelle vous avez tenu un rôle clé : c’est le procès de l’AFP contre certains de ses photographes (voir décision p. 394 et commentaire p. 380), sur fond d’économie numérique et de droit d’auteur.
Florence Gaullier : C’est effectivement un dossier d’actualité mais ses origines remontent à plusieurs années. J’ai commencé à y travailler en 2002 alors qu’il était né l’année précédente. Il s’inscrit dans la mouvance des contentieux entre les journalistes et les éditeurs lors de l’avènement du numérique : ils ont été nombreux à entreprendre des négociations avec leur direction pour que soient prises en compte les nouvelles exploitations de leurs œuvres.
M.L. Le point de départ, me semble-t-il, c’est ce constat des profits issus de l’exploitation des fonds documentaires des grandes entreprises de communication.
F.G. Pour l’AFP, c’est à la fin des années 90 qu’elle a commencé à développer ses activités numériques. Auparavant, la photographie était utilisée dans le cadre d’un ou deux services, le premier étant "Téléphoto" qui permet d’envoyer tous les jours des clichés aux clients en mode pull. Ses destinataires sont traditionnellement la presse habituée à recevoir les dépêches de l’AFP et les images qui les accompagnent. Parallèlement existait un service plus marginal de vente à la pièce où des commerciaux s’a dressent à une clientèle plus ciblée. L’évolution technologique a fait que l’AFP a numérisé l’ensemble de son fonds, aussi bien les photos anciennes que les nouvelles, et a développé un serveur qui s’appelle Image Forum sur lequel toutes les images sont disponibles en passant par toutes sortes d’abonnements en fonction de l’usage envisagé, qu’il soit massif ou ponctuel. Les photos sont téléchargeables et souvent diffusées ensuite par le client. Par la suite, l’AFP a développé d’autres applications et les photos de l’AFP peuvent se trouver aujourd’hui sur le mobile, sur le journal de l’internet, le diaporama internet. Ces services, totalement nouveaux, s’écartent de l’activité historique de l’AFP et ciblent à la fois une clientèle particulière et le grand public qui peut même acheter des posters par téléchargement. D’où l’accroissement des revenus associés à ces novations. C’est dans ce contexte que les photographes ont souhaité obtenir la reconnaissance de leurs droits d’auteur et une rémunération mieux adaptée. L’AFP en 2001 a commencé à négocier, comme toutes les autres entreprises, mais ces discussions n’ont pas abouti, si bien que les photographes ont engagé une procédure pour faire valoir leurs droits. Cette démarche judiciaire s’est révélée particulièrement longue du fait de la distinction entre la compétence du conseil des prud’hommes et celle du tribunal de grande instance.
En effet, une partie du dossier se trouve devant le tribunal de grande instance puisque les photographes ont adhéré à une société de gestion collective, la SAIF, laquelle les représente depuis 2002. Ce qui est antérieur à l’adhésion relève du conseil des prud’hommes. Nous nous trouvions donc devant deux procédures parallèles, celle devant le tribunal de grande instance étant suspendue tant que l’autre n’était pas achevée. En première instance, le conseil des prud’hommes a reconnu que les droits numériques n’étaient pas couverts par la clause contenue dans le contrat de travail. Il a également ordonné une expertise pour déterminer la rémunération en fonction des bénéfices de l’AFP sur ces nouvelles exploitations. L’AFP a fait appel de cette décision. La décision rendue le 9 juin 2009 reconnaît que les photographes n’ont jamais cédé leurs droits sur l’exploitation numérique de leurs œuvres. La nouveauté dans cette procédure, c’est que l’AFP a soulevé la question de l’originalité des photographies. Ce qui conduit à une réflexion plus générale sur la preuve de l’originalité dans une situation d’exploitation massive d’œuvres, ce qui caractérise la production photographique, contrairement aux domaines de la musique et de l’audiovisuel qui se prêtent mieux au quantifiable. Le photographe est confronté à des contrefaçons de grande ampleur. Ce procès a mis en exergue la difficulté de faire apparaître l’importance de la contrefaçon et l’originalité de l’ensemble des œuvres exploitées par l’AFP. Il est intéressant de noter que la cour d’appel a tranché en considérant qu’elle avait suffisamment d’éléments pour présumer que toutes les photographies étaient originales en se fondant implicitement sur l’article 1353 du code civil qui permet aux juges de fonder leurs décisions et leur conviction sur des présomptions de fait (dites aussi présomptions du juge ou de l’homme). La cour a notamment relevé qu’une telle présomption d’originalité s’imposait d’autant plus qu’elle porte sur des milliers de photographies qui constituent le fonds photographique de l’AFP et qu’ellemême "s’attache, vis-à-vis des tiers, à défendre les droits d’auteur qu’elle tire de cette clause, sans distinction entre les œuvres". Ainsi l’AFP pouvait difficilement contester l’originalité des photographies et donc l’existence même de droits d’auteur sur celles-ci puisque que l’ensemble de son économie repose sur les droits d’auteur.
M.L. Cette décision se situe dans le droit fil de votre analyse.
F.G. Bien sûr. Mais en matière de photographie, la difficulté reste entière. Devant le tribunal de grande instance, un certain nombre de décisions ont manifesté une sévérité certaine en exigeant des photographes qu’ils décrivent l’originalité de chacune de leurs œuvres. Au plan des principes, cette position est parfaitement fondée. Mais d’un point de vue pratique, cela revient à consacrer ce paradoxe : plus le phénomène de contrefaçon est important, plus l’action judiciaire de l’auteur est difficile, ce qui revient à accorder une prime à la contrefaçon. Je n’ai pas de solution à proprement parler, puisque je suis tout à fait persuadée qu’il est important de démontrer la qualité à agir du demandeur. Mais force est de constater qu’en l’espèce, les auteurs se trouvent en situation beaucoup plus défavorable que les titulaires de droits voisins qui n’ont pas à démontrer l’originalité des objets de protection. Il est clairement plus facile de prouver un investissement, critère objectif, que d’agir au titre d’un droit d’auteur.
M.L. Tels n’étaient pas les objectifs de protection du législateur.
F.G. Tout à fait. Ce qu’il avait voulu faire, c’était de mettre en avant le droit d’auteur, alors que les droits voisins étaient placés en hiérarchie inférieure. Voilà les réflexions empiriques que m’inspire la pratique des dossiers actuels.
M.L. Vous trouvez-vous plus concernée par les dossiers "droit d’auteur" que par ceux qu’on appellerait "numériques" ?
F.G. Il devient difficile de les séparer, la convergence est ici très prégnante. Le numérique pose des questions en matière de preuve, et les deux aspects sont confrontés devant les tribunaux, à qui il faut faire comprendre concrètement de la manière la plus simple possible les systèmes complexes et techniques de nos clients, par exemple le "push" et le "pull".
M.L. Cette opposition n’est pas une évidence pour qui est étranger à ces pratiques professionnelles.
F.G. Oui, d’autant que cette différence en détermine une autre en termes de public, notion traditionnelle en droit d’auteur qui sollicite des concepts classiques.
M.L. Cette "boucle" n’évoquerait-elle pas votre propre histoire professionnelle, puisque vous avez suivi une formation de type droit d’auteur historique, alors que vous êtes confrontée à des situations où le numérique est prédominant ?
F.G. C’est vrai que ma formation a été classique mais le DEA de propriété intellectuelle que j’ai suivi à Poitiers avait déjà pris en compte l’évolution technologique et ses enjeux.
M.L. Un DEA passé en quelle année ?
F.G. En 2002. La tendance était alors largement confirmée. Bien que mon expérience soit encore un peu courte, je peux tout de même observer que sur certains sujets, les questions sont toujours les mêmes. Même s’il s’agit d’une "révolution", ses effets prennent du temps à s’installer. Le droit est mis au défi de suivre cette mouvance, sans savoir quand elle prendra fin, et même si elle ne prendra jamais fin.
M.L. Vous attendez une stabilisation.
F.G. Elle n’a pas encore eu lieu, effectivement, il n’y a rien qui la prophétise. Les acteurs de ce milieu sont tous très imaginatifs, de nouveaux usages surgissent régulièrement. Avec internet s’est notamment imposé le rôle décisif d’utilisateurs dans la diffusion des œuvres : c’est ce qu’on appelle le web communautaire, et c’est une véritable novation. Le recul manque complètement, et sans lui, il est difficile de renouveler les concepts.
M.L. On peut considérer que ce constat de difficultés a son versant stimulant, puisque les solutions sont chaque jour à réinventer. L’autre aspect, c’est que la matière s’est inutilement complexifiée ...
F.G. Le législateur est effectivement intervenu par petites touches sans avoir adopté une vue d’ensemble qui aurait donné une cohérence à sa réflexion. Du coup, l’adage "Nul n’est censé ignorer la loi" ou sa version plus moderne (telle que découverte par le Conseil constitutionnel) de "l’accessibilité et l’intelligibilité de la loi" a perdu de sa crédibilité notamment dans notre domaine. Le phénomène n’affecte d’ailleurs pas que le droit d’auteur. Mais notre sphère a été régie pendant de nombreuses années par la loi de 1957 avec peu de réformes significatives. Et voici que depuis quelques années apparaît chaque année une nouvelle loi concernant le droit d’auteur, chacune étant adoptée sans exigence de cohérence ni avec la précédente, ni avec le texte fondateur. Les critiques sont nombreuses contre cette manière de légiférer au coup par coup, dans le souci apparent de séduire l’opinion. Et il est vrai que s’impose l’idée d’un besoin d’une réflexion à la fois plus approfondie et plus générale sur le thème de ce que la société attend de ses créateurs, sur ce qu’elle doit leur apporter ainsi qu’à l’industrie culturelle en général. En dehors de l’influence de l’opinion, des lobbies, et de l’actualité avec tout ce qu’elle comporte de versatile.
M.L. Lorsque vous ayez débuté votre cursus juridique, pensiez-vous au droit d’auteur c ’que, ou saviez-vous déjà que vous auriez affaire au monde numérique avec imprévisibles sursauts ?
F.G. Quand j’ai abordé le droit d’auteur, je n’avais pas conscience de ce qui était en train d’advenir. C’est en DEA que j’ai véritablement perçu les nouveaux enjeux. En maîtrise, la vision du droit d’auteur proposée aux étudiants était beaucoup plus classique, ce qui est étonnant : les problématiques contemporaines s’imposent nécessairement aux yeux du spécialiste.
M.L. L’approche universitaire serait donc véritablement figée ?
F.G. En tout cas, en maîtrise. Plus tard, des séminaires ont été consacrés à cette évolution des nouvelles technologies. Il est vrai qu’a subsisté une sorte de séparation entre droit de l’informatique et droit d’auteur, et que le lien, pourtant évident, entre les deux était rarement construit.
M.L. Ce beau litige AFP/photographes peut-il être considéré comme représentatif de votre activité dans ce cabinet ?
F.G. Il représente une partie importante de notre activité. Mais celle-ci recouvre aussi de manière considérable le droit des nouvelles technologies non liées au droit d’auteur.
M.L. Par exemple ?
F.G. Les conditions générales d’utilisation pour les sites internet, les données personnelles, les dossiers de droit de l’informatique fondés sur le droit des contrats et finalement le droit civil pur. Restent les questions de droit d’auteur très liées aux nouvelles technologies, comme celles qui concernent les jeux vidéo, les acteurs de l’internet avec les plateformes de web 2.0.
M.L. Les questions portant sur les jeux vidéo ont une certaine antériorité par rapport au web collaboratif et devraient bénéficier aujourd’hui d’une certaine stabilité jurisprudentielle.
F.G. Le monde du jeu vidéo est devenu assez constant en matière de problématique juridique. Mais un aspect second porte sur le piratage des consoles qui nous amène à revisiter les concepts juridiques. Les problématiques en la matière ne sont toutefois plus très complexes. La jurisprudence est désormais confortée sur la notion d’œuvres multimédias, avec la récente décision de la Cour de cassation dans l’affaire Cryo/Sacem du 25 juin 2009 qui a confirmé l’application du régime "distributif" aux jeux vidéo.
M.L. Donc les questions du jeu vidéo offrent désormais un certain recul au juriste. Restent les questions du web 2.0 et des nouveaux acteurs.
F.G. Ceux qui apparaissent comme tels dans le domaine des industries culturelles revendiquent un statut d’intermédiaire purement technique. Mais force est de constater qu’ils fournissent les moyens de l’accès et de la diffusion de contenus protégés. Jusqu’à présent, le droit avait tendance à considérer que les diffuseurs et les exploitants étaient ceux qui prenaient l’initiative de la diffusion. On se rend compte aujourd’hui que la valeur n’est plus vraiment dans cette démarche mais plutôt dans l’apport des moyens d’accès ou de diffusion et que les responsables de cet ajout, qui se disent intermédiaires purement techniques, échappent ainsi au droit. Avec le régime de la loi LCEN, ils ne sont en effet pas considérés comme responsables de la diffusion des œuvres et par conséquent ils n’ont pas l’obligation de rémunérer les auteurs, ce qui avait été justifié, à l’origine, par le fait que ce régime
visait à favoriser le développement du commerce électronique en Europe.
M.L. Manque le nouveau critère pour définir la notion d’exploitation.
F.G. C’est tout à fait cela. Il faudrait peut-être renoncer à la notion d’initiative pour mieux prendre en compte celle de fourniture de moyens notamment. A quel moment devient-on exploitant ? À quel moment les contenus sont-ils indispensables pour l’activité de "l’intermédiaire" ?
M.L. Avez-vous des dossiers de presse ?
F.G. Assez peu. Ceux auxquels nous avons affaire concernent les services dits d’hébergement. Les problématiques récurrentes relèvent de la diffamation, par exemple par un blog, la question étant de savoir si l’hébergeur doit ou non retirer les contenus litigieux.
M.L. Les interrogations ne sont-elles pas intellectuellement stimulantes ?
F.G. Bien entendu. Mais l’essentiel de nos dossiers de presse porte principalement sur le droit des journalistes.
M.L. La très décriée loi Hadopi comporte par ailleurs certaines avancées sur le sujet des auteurs lorsque leurs écrits font l’objet d’une seconde diffusion.
F.G. C’est exact. Ces dispositions renouvellent certaines notions rencontrées dans notre dossier AFP. Leur particularité est d’être le résultat d’une négociation entre les acteurs de la presse, journalistes et éditeurs. Ce texte n’a fait l’objet que de peu de débats lors de son adoption, les discussions ayant eu lieu en amont.
Cette genèse me paraît intéressante et il est permis d’espérer qu’un compromis de cette nature pourrait faciliter la mise en application de la loi.
A l’origine, c’est un groupe informel qui s’est créé pour discuter des problèmes réels de la presse et envisager des solutions. Le texte issu de ces débats a été proposé au gouvernement. Dans cet intéressant cas de figure, au départ, ce ne sont pas les lobbies qui ont joué le rôle principal auprès du législateur, même si, hélas, ces derniers ont repris la main sur ce texte en fin de parcours, ce qui explique que le texte finalement adopté ne soit pas aussi équilibré qu’il aurait dû l’être.
M.L. A part la glorieuse exception que représente le Canard enchaîné, existe-t-il encore une presse papier sans extension numérique ?
F.G. Il est vrai que le passage à internet a été un mouvement quasi général. Mais la surprise est autre aujourd’hui : la presse essentiellement numérique veut trouver un support physique. On s’aperçoit ainsi que les deux versions sont indispensables, même si les pourcentages physique/virtuel varient fortement d’un support à l’autre. La culture numérique n’a toujours pas éradiqué le papier.
M.L. Cela pose donc plus que jamais le problème du modèle économique.
F.G. Les deux modèles s’influencent. Le numérique qui était conçu sur la gratuité revient vers le payant. C’est un phénomène en partie conjoncturel puisque la crise économique a mis à malle modèle publicitaire sur internet. Mais ce peut être aussi une tendance de fond, nul ne peut sérieusement en décider à ce jour.
M.L. Il semble avéré qu’il existe une corrélation entre gratuité et qualité.
F.G. C’est un constat à peu près partagé : celui qui veut une vraie qualité devra payer. Il apparaît que vont coexister deux marchés de l’information : l’un, peu travaillé, sera gratuit, l’autre, plus analysé, sera payant. Il n’est absolument pas certain que cette tendance se confirme, mais cette réflexion me paraît raisonnable.
M.L. Le mythe de la gratuité sur internet s’en trouverait fragilisé.
F.G. Certes. Mais je me demande s’il est aussi établi qu’on a pu le dire : beaucoup de personnes acceptent de payer pour obtenir ce qu’elles désirent véritablement.
M.L. La gratuité de la presse passe par la publicité, laquelle est à l’évidence antinomique de la liberté d’expression.
F.G. Le modèle publicitaire peut-il constituer le salut de créateurs soucieux de leur indépendance ? Cette même question se pose aussi dans les dossiers où apparaît le "fair use", notion qui semble avoir tendance à vouloir s’imposer internationalement aux juges, notamment par le biais de l’invocation autonome du "triple test". Elle se trouve au cœur de tous les débats contemporains, et les juristes doivent l’analyser en profondeur.
M.L. Outre le rêve de la gratuité, il y a aussi la conviction fort répandue que tout doit être accessible immédiatement.
F.G. L’immédiateté renvoie à la question de l’autorisation préalable qui est un principe en droit d’auteur et qui implique l’obligation de la recherche du titulaire des droits pour obtenir son autorisation. Cette contrainte est en contradiction avec le désir de facilité véhiculé par le numérique. Cette revendication d’accès rapide aux œuvres est au cœur de problématiques comme celles de Google books ou celles qui ont fait l’objet d’une commission du CSPLA sur les œuvres libres ou orphelines dont on ne connaît pas les titulaires des droits.
C’est un véritable paradoxe : alors que le numérique devrait faciliter cette recherche, le système actuel est accusé de complexifier la démarche de demande d’autorisation. C’est vrai que cette recherche n’est pas simple, mais il ne faut pas se contenter d’un tel constat. Des solutions raisonnables existent bel et bien, notamment avec la gestion collective qui a été conçue à cet effet : combattre le mythe de l’autorisation impossible !
M.L. Et le numérique favorise la démarche d’identification des titulaires.
F.G. Oui, en tout cas, il me semble qu’il faut se méfier du discours ambiant qui tend à opposer de manière caricaturale le numérique qui serait favorable à la diffusion des œuvres au droit d’auteur qui serait un obstacle à cette diffusion, notamment en exagérant les difficultés d’obtenir des autorisations pour nier le droit d’auteur. Le numérique peut être un moyen de faciliter l’identification des titulaires de droits et l’octroi des autorisations. C’est en quelque sorte et de manière imparfaite ce que proposent les licences libres qui circulent en même temps que l’œuvre ou les systèmes de tatouages des œuvres qu’il faut encourager à mon sens. Il faut ainsi tenter de réconcilier le droit d’auteur et le numérique, l’un n’étant pas nécessairement l’ennemi de l’autre, contrairement à ce que certains tentent de faire penser dans l’espoir d’affaiblir voire de faire disparaître le droit d’auteur.
M.L. Une question un peu plus personnelle pour terminer : Vous êtes récemment devenue associée du cabinet Gilles Vercken. Pouvez-vous nous préciser un peu votre parcours ?
F.G. Oui bien sûr, il est "rai que j ai la chance d’être associée d’un cabinet aussi prestigieux à l’âge de trente ans et je ne pense pas que cela soit très courant C est dû à l’histoire de ce cabinet et à ma rencontre avec Gilles Vercken.
Je l’ai vu pour la première fois lors d’une conférence à Poitiers j’étais alors en DEA en 2001 et j’avais une grande admiration pour cet avocat qui était le seul praticien, à ma connaissance, à s’être intéressé au rapport du professeur Gaudrat sur la création salariée, professeur qui a eu un rôle très important dans ma formation et dans la confirmation de ma passion pour le droit d’auteur.
En fin de DEA, je ne savais pas encore si je voulais devenir avocat mais je savais que je voulais découvrir cette profession auprès de cet avocat J’ai donc postulé pour un stage au sein du cabinet où il exerçait à l’époque, Denton Wilde Sapte. Je crois qu’on peut dire que je l’ai un peu "harcelé" sans même m’en rendre compte. Toujours est-il qu’il a fini par me convoquer pour un entretien et qu’il a retenu ma candidature en me disant : ’’Je vous prends car j’ai rarement rencontré quelqu’un qui a votre persévérance". Puis le stage s’est tellement bien passé que Gilles Vercken m’a proposé de rester et a même augmenté ma rémunération de stagiaire pour que je puisse payer ma préparation à l’examen d’entrée à l’école d’avocat !
Quand il a décidé de recréer son propre cabinet après avoir passé trois ans dans un gros cabinet anglo-saxon, je n’ai pas hésité une seconde et l’ai suivi. Les premiers mois, nous n’étions que deux avocats, Gilles Vercken et moi-même, ce qui m’a propulsé dans un rôle plus proche de celui d’une associée que d’une collaboratrice. Après six ans de collaboration, nous nous sommes donc associés car c’était la suite logique des choses.
Nous partageons depuis huit ans la même passion pour le droit d’auteur et les nouvelles technologies de l’information et la même exigence intellectuelle. Nous aimons aller jusqu’au bout des choses tant en ce qui concerne l’analyse et de la recherche juridique qu’en ce qui concerne les aspects non juridiques des dossiers tels que les aspects économiques, historiques, sociologiques ou techniques. Par exemple, nous sommes souvent amenés à faire des recherches dans des thèses anciennes ou récentes ou encore dans les travaux préparatoires d’une loi ancienne uniquement accessibles à l’Assemblée nationale. Récemment, pour un dossier, nous avons travaillé sur la conservation des négatifs de photographies et avons fait des recherches au département Estampes et photographies de la Bibliothèque nationale de France sur l’histoire de la photographie et des techniques photographiques et sur la conservation des négatifs. Nous sommes des passionnés et nous avons de la chance d’exercer ce métier !
Propos recueillis par Monique LINGLET