Cela fait longtemps qu’on en parlait. Fabrice Epelboin avait évoqué l’hypothèse dans l’interview qu’il nous avait donnée (Exp. n° 409), il y a un an. C’est aujourd’hui une certitude. La Direction générale de la sécurité intérieure a conclu, fin novembre, un contrat avec l’américain Palantir Technologies, champion de l’extraction et de l’exploitation des big data, pour l’aider à faire face au volume de données à traiter en matière de lutte contre le terrorisme, aussi bien les éléments obtenus lors des perquisitions que les informations provenant des forums en ligne ou des réseaux sociaux et autres sites internet. Comme l’avait indiqué Patrick Calvar directeur de la DGSI, lors d’une audition le 18 mai dernier en Commission de la défense nationale et des forces armées de l’Assemblée nationale, « nous ne manquons pas de données ni de métadonnées, mais nous manquons de systèmes pour les analyser ». A la question du député Jean-François Lamour sur le fait de savoir s’il n’existait pas une entreprise française ou européenne en mesure de proposer une solution qui permette de rester indépendants dans le traitement de ces données, Patrick Calvar lui avait répondu que « les entreprises françaises qui développent des systèmes ne sont pas encore capables de répondre à nos besoins, alors que nous devons acquérir ce big data immédiatement. Nos camarades européens sont dans la même situation ». Ceux qui ont pu tester les services de Palantir sont bluffés par leur puissance et leur efficacité dans le traitement de l’information. Or, dans cette course à l’information, Palantir n’a pas vraiment de rival. Pourtant, Patrick Calvar avait affirmé que le recours à un fournisseur étranger serait provisoire. Le temps de développer une filière nationale, comme pour les drones ?
Palantir n’est pas un fournisseur de solutions ordinaire. D’abord, la société n’est pas cotée en bourse, ce qui ne favorise pas la transparence sur ses activités et ses résultats. Elle a, par ailleurs, été fondée en 2004 par son actuel dirigeant Alex Karp et Peter Thiel (co-fondateur de PayPal), avec le soutien financier d’In-Q-Tel, le fonds d’investissement de la CIA. Rappelons aussi que ses services sont utilisés par la NSA, le FBI, la CIA, la défense américaine, mais aussi pour des entreprises de la finance ou de l’assurance. Tous ces éléments posent en effet un sérieux problème de souveraineté nationale. A la DGSI, on affirme que seuls les agents de la direction, formés par Palantir, traiteront les données recueillies et non l’entreprise américaine qui n’y aura pas accès. Donnons-nous lui une fenêtre d’accès à nos informations sensibles, comme le suggérait un agent français de la lutte anti-terroriste interviewé par Paris-Match qui a été le premier à dévoiler l’information ?