ONDES DE CHOC
Qui aurait pensé au début de l’été que les révélations d’Edward Snowden produiraient un tel impact sur les relations internationales ? Cet ancien consultant de la NSA apparaissait plutôt comme un Don Quichotte, initiateur d’un scandale qui retomberait comme un soufflé passé l’émoi médiatique. Quelques mois plus tard, le lanceur d’alerte vit toujours dans l’ombre, loin de sa famille et de son pays, à Moscou qui lui a accordé l’asile pendant un an, contre la promesse d’arrêter ses révélations. Inexorablement, la presse, dépositaire des documents que lui a confiés Snowden, continue de diffuser des nouvelles toujours plus embarrassantes pour les Etats-Unis. La dernière en date étant la surveillance du téléphone portable d’Angela Merkel. Cette révélation, ajoutées à d’autres comme la surveillance massive des communications françaises, a bousculé le dernier Conseil européen qui devait être consacré à l’économie numérique. Uni dans l’adversité, le couple franco-allemand a lancé une initiative commune, soutenue par les autres Etats membres, pour tenter de trouver avec les Etats-Unis un terrain d’entente d’ici la fin de l’année. Gesticulation ou réelle volonté politique ?
Ces affaires donnent aussi plus de poids à ceux qui militent pour une plus grande protection des données personnelles. Par le biais de sa commission Libe, le Parlement européen a approuvé un projet de règlement assez protecteur. Ces mêmes députés viennent par ailleurs de voter une résolution demandant la suspension de l’accord Swift avec les Etats-Unis, suite aux révélations des médias brésiliens selon lesquelles la NSA est capable d’entrer dans le système de la société d’échanges interbancaires, malgré les cryptages et les pare-feux.
L’affaire Prism érode également la position des Etats-Unis dans le monde. Déjà à l’égard des ex-Etats communistes, comment continuer à faire la morale à la Chine ou à la Russie sur les droits de l’homme quand on est montré du doigt comme un super Etat espion qui surveille ses citoyens, ses alliés et ses ennemis ? A l’égard des pays émergents aussi. Dima Rousseff, la présidente brésilienne a annulé sa visite aux Etats-Unis, apprenant qu’elle avait été placée sur écoutes.
Enfin, l’affaire Prism pourrait affaiblir la position des Etats-Unis, en matière de gouvernance de l’internet. De nombreux organismes qui gèrent les protocoles et les systèmes clés tels que l’Icann, Isoc ou le W3C viennent de signer une déclaration appelant à une gestion mondiale et globalisée de l’internet. Les Etats-Unis gardent le contrôle sur la racine de l’internet, au nom de la sécurité nationale et de l’avance technologique du pays, tout en mettant en avant la neutralité du net. Argument beaucoup moins convaincant à l’heure de l’affaire Prism.
Le feuilleton Snowden est loin d’être terminé. Ces ondes de choc continuent de se diffuser dans le monde. Et on ne sait pas où elles vont nous mener.