INCONCILIABLES
Le pouvoir politique doit-il s’emparer de la question de la copie privée pour mettre fin à cet affrontement permanent qui oppose les ayants droit aux industriels et aux consommateurs depuis 2006 au sein de la commission éponyme ? C’est ce que pense Jean-Noël Tronc, directeur général de la Sacem. Pour cet ex-conseiller technique NTIC de Lionel Jospin, l’enjeu n’est plus juridique mais politique. Et il appelle le gouvernement à empêcher les industriels de torpiller le système de la rémunération pour copie privée. De leur côté, les industriels demandent aux pouvoirs publics de réformer un système jugé non conforme au droit communautaire, obsolète, anti-démocratique et anti-économique. Mais le gouvernement Ayrault qui n’a semble-t-il pas envie de s’en mêler fait la sourde oreille. Comme ses prédécesseurs du reste. Pourtant la situation s’aggrave et pourrait aboutir à une impasse.
Faute d’avoir été entendus sur leur revendication de réforme du système et sur leur critique des nouveaux barèmes proposés par les ayants droit, cinq des six représentants du collège des industriels siégeant à la commission de la copie privée ont démissionné de leur fonction.
Celle-ci pourra-t-elle fonctionner sans une partie de ses membres (deux représentants du collège des consommateurs menacent de suivre l’exemple des industriels) ? De nouveaux barèmes doivent en effet être adoptés avant le 21 décembre 2012, échéance fixée par la loi du 20 décembre 2011. Les ayants droit pensent que c’est possible. C’est également l’avis de la ministre de la Culture Aurélie Fillipetti qui fustige cette politique de la chaise vide. Mais les industriels vont probablement dénoncer la décision devant le Conseil d’Etat. En vertu de la théorie de la « formalité impossible » appliquée en droit administratif, le Conseil pourrait cependant considérer la condition de la complétude impossible à remplir et rejeter ainsi le recours.
Les industriels attaquent sur un autre front, celui du Conseil constitutionnel. A la suite de l’arrêt Canal+ du Conseil d’Etat qui a jugé que les usages professionnels doivent être exclus du dispositif de compensation, la loi du 20 décembre 2011 avait laissé un délai d’un an pour remédier à la question de l’exonération des professionnels. Dans une décision du 17 octobre 2012, la Cour de cassation a jugé recevable la question prioritaire de constitutionnalité posée sur le II de l’article 6 de la loi de 2011.
Le système, que les ayants droit bénéficiaires de la rémunération souhaitent conserver tel quel, semble à bout. Depuis 2006, la guerre entre les membres de la commission est déclarée : cinq de ses décisions ont été annulées par le Conseil d’Etat et deux autres font l’objet d’un recours. Le dialogue est désormais impossible. Et la table-ronde organisée par la commission des affaires culturelles de l’Assemblée nationale, animée par Patrick Bloche (député PS), et qui s’est tenue le 21 novembre 2012, n’a dégagé aucune solution. Le système peut-il encore perdurer alors qu’il est censé fonctionner sur la base de la corégulation ? Une réponse politique s’impose.