OBSOLESCENCE
« En 1998, Mark Zuckerberg avait 14 ans. Aujourd’hui, près d’un milliard de personnes à travers le monde utilise Facebook. En 1998, les plateformes de vidéo en streaming n’existaient pas. Aujourd’hui, une heure de vidéo est téléchargée chaque seconde », a constaté Neelie Kroes, vice-présidente de la Commission européenne, en charge de l’agenda numérique, lors du sommet de l’innovation et de la propriété intellectuelle à Bruxelles le 10 septembre dernier. Or, « nous n’avons pas réussi à suivre le rythme rapide des évolutions technologiques », a-t-elle conclu. Elle faisait allusion à la directive de 2001 sur le droit d’auteur qui n’a pourtant que onze ans. Selon elle, le droit d’auteur freine l’innovation, la recherche et la création culturelle ; il n’est plus adapté au contexte numérique actuel. Le même discours est tenu pour d’autres pans du droit des technologies de l’information comme la protection des données personnelles, la signature électronique ou le statut des prestataires de l’internet.
Le cadre juridique du numérique, à peine adolescent, est déjà bon pour la retraite. 1995, 1998, 2000, 2001. Quatre dates de directives jugées obsolètes ou en voie d’obsolescence : protection des données personnelles, signature électronique, commerce électronique et droit d’auteur. Pour ces quatre textes adoptés au moment de l’émergence de l’internet grand public, la réforme est aujourd’hui envisagée voire planifiée.
Peut-on encore remettre les pendules juridiques à l’heure, sans prendre le risque d’être déjà en retard ? Il semble que le droit ait de plus en plus de mal à rester synchrone avec les évolutions technologiques. Car si le temps de l’adaptation juridique reste le même, celui de la technique et des usages connaît une accélération de plus en plus soutenue. Et si le mouvement continue de prendre de la vitesse, les réformes pourraient avoir une espérance de vie encore plus courte, voire devenir caduques avant même leur publication.
Les événements soumis à cette accélération, caractéristique de notre époque décrite et théorisée par le sociologue allemand Hartmut Rosa, sont de moins en moins « susceptibles d’être maîtrisés politiquement, et même en partie juridiquement ». Cette évolution de notre société nous questionne sur le processus d’élaboration du droit mais aussi sur le droit lui-même. Sera-t-il encore longtemps en mesure de régir les réalités générées par des technologies toujours plus innovantes ? Il est encore temps d’y penser.