RADICALITE
Après l’Hadopi, les projets de loi américains Pipa et Sopa (voir Exp. n° 366, p. 42), c’est au tour de l’Acta (Accord commercial anti-contrefaçon) de provoquer des remous. En Europe, nos législations appliquent déjà une bonne partie des mesures envisagées par ce traité. Mais ce texte rencontre une hostilité grandissante, en raison des craintes de surveillance et de contrôle du net qu’il suscite.
Les réactions de part et d’autres se radicalisent. C’est l’escalade des ripostes. Des manifestations transnationales et simultanées sont organisées dans différents Etats de l’Union européenne. Les rues ne sont certes pas bloquées par des défilés massifs, mais la résistance s’intensifie. Beaucoup plus violents, des héraults de la liberté du net cachés derrière le masque des Anonymous lancent des attaques en déni de service contre les sites des institutions concernées et utilisent des méthodes de cyberguerre. L’affaire MegaUpload offre un autre exemple d’intensification des réponses. Le site et ses affiliés ont proposé une gigantesque offre de contenus au mépris des droits de propriété intellectuelle. Et la réaction des titulaires de droits a été sans merci. Sur injonction du tribunal, le FBI a obtenu que Verisign, une société de droit américain qui gère l’extension .com, a désactivé les noms de domaine du groupe. Les sites ne sont pas supprimés, ils ne sont tout simplement plus accessibles. La solution est efficace mais aussi dévastatrice pour ceux qui pensaient à l’abri leurs données licites stockées sur ces serveurs.
L’internet facilite la propagation des contrefaçons de biens matériels et immatériels. Et il est légitime que les ayants droit cherchent à enrayer un phénomène déstabilisant pour des secteurs d’activité entiers. Mais la méthode employée est-elle la bonne ? Est-elle efficace pour enrayer la contrefaçon ? Cela reste à démontrer. La négociation en catimini du traité Acta a par ailleurs suscité des craintes fondées mais aussi des fantasmes qui alimentent un climat de complot. La lutte contre le piratage entraîne aussi des dommages collatéraux dont les internautes et sites légaux risquent de faire les frais (liberté d’information et de communication, sécurité, confidentialité, neutralité, etc.). Avec l’internet, les décisions ne s’imposent plus sans l’adhésion des parties concernées. L’heure n’est plus à la démonstration mais à la régulation.