Nous sommes à un moment de l’évolution des technologies où la réalité rejoint, voire dépasse, la science-fiction. Et cela provoque des peurs existentielles, même chez les plus technophiles. Lors d’une conférence du MIT sur les technologies aéronautiques et spatiales, Elon Musk, co-fondateur de Pay-Pal, patron de Tesla et de SpaceX, s’est montré fort pessimiste à l’égard de l’intelligence artificielle. Elle représente, selon lui, un réel danger pour l’humanité. Avec l’IA, « nous invoquons le démon » a-t-il déclaré. Il aurait également pu évoquer la métaphore de la boîte de Pandore. Face au développement des systèmes informatiques dont les capacités intellectuelles se rapprochent de plus en plus de l’homme, dont celle de s’auto-améliorer, il convient, selon lui, de prévoir un encadrement légal. Etonnant d’entendre une figure de la Sillion Valley en appeler à la mise en place d’une réglementation « étatique ou internationale » pour nous protéger contre nous-mêmes !
Si Elon Musk joue les Cassandre, il n’en investit pas moins dans ce secteur d’activité. Il s’est associé avec Mark Zuckerberg pour soutenir la start-up Vicarious afin de développer un langage informatique basé sur le fonctionnement humain. Contradictoire avec son discours apocalyptique ? Pas selon lui qui se justifie en expliquant qu’il dirige son investissement vers une technologie qui va « dans le bon sens ». C’est peut-être plus efficace qu’un encadrement légal, difficile à faire respecter à l’échelle planétaire.
Le droit a-t-il jamais pu empêcher le progrès scientifique de s’imposer ? S’il paraît impossible de contrôler cette accélération technologique exponentielle que connaît le monde, il n’est pas impensable d’imaginer interdire des usages ou des pratiques qui seraient contraires à la sauvegarde de nos principes fondamentaux. A l’instar des évolutions en matière de génétique.
Qui dit intelligence artificielle, dit aussi robot. Ces derniers se rapprochent de plus en plus de l’homme, qui commence lui-même à les regarder avec un certain anthropomorphisme. Aujourd’hui, on les protège en tant que création et invention par les droits de propriété matérielle et intellectuelle. Ne faudra-t-il pas un jour envisager de nous protéger contre eux ? En 1942, dans une nouvelle intitulée Cercle vicieux, Isaac Asimov avait imaginé les trois lois de la robotique : un robot ne doit pas porter atteinte à un être humain, il doit obéir aux ordres que lui donne un être humain sauf à entrer en conflit avec la première loi et un robot doit protéger son existence tant que cela n’entre pas en conflit avec les deux premières lois. S’ils se mettent à ressentir des émotions et à avoir conscience de leur finitude, comme dans le film Blade Runner, inspiré d’un roman de Philip K. Dick, un autre grand auteur de science-fiction, pourquoi ne pas leur accorder des droits ? Mais l’avenir ne se présente jamais exactement comme les futurologues l’avaient prédit.